25 giugno 2020

Embrasse-moi! (Jacques Prévert)

C’était dans un quartier de la ville lumière 
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air 
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver 
Elle était dans l’escalier 
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
C’était la nuit (...) 
Et elle lui disait 
Ici il fait noir 
Il n’y a pas d’air 
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver 
Le soleil du bon dieu ne brill’ pas de notr’ côté 
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers 
Serre-moi dans tes bras 
Embrasse-moi 
Embrasse-moi longtemps
Embrasse-moi 
Plus tard il sera trop tard 
Notre vie c’est maintenant 
Ici on crèv’ de tout 
De chaud et de froid 
On gèle on étouffe 
On n’a pas d’air 
Si tu cessais de m’embrasser 
Il me semble que j’mourais étouffée
T’as quinze ans j’en ai quinze 
A nous deux on a trente 
A trente ans on n’est plus des enfants 
On a bien l’âge de travailler 
On a bien celui de s’embrasser 
Plus tard il sera trop tard 
Notre vie c’est maintenant 
Embrasse-moi ! 

Jacques Prévert, 1935


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